Hôpitaux de proximité et acteurs locaux : un maillage essentiel pour la santé en Champagne-Ardenne

29/06/2025

Un rôle clé des hôpitaux de proximité : comprendre leur positionnement

Selon le Ministère de la Santé, la France compte près de 600 hôpitaux de proximité (source : Ministère des Solidarités et de la Santé), dont une trentaine en région Grand Est. Ceux-ci forment le pivot du premier niveau d’hospitalisation à taille humaine. Leurs missions, confortées par la réforme de 2021, incluent :

  • La prise en charge médicale de proximité (médecine, soins palliatifs, soins de suite, petite chirurgie, etc.)
  • La coordination avec les médecins libéraux et services à domicile
  • La gestion des sorties à domicile ou vers les établissements sanitaires et médico-sociaux
  • L’animation du réseau local par l’échange d’informations et l’organisation de formations ou rencontres

L’objectif affiché reste clair : éviter aux patients les hospitalisations inutiles, encourager le maintien à domicile dans de bonnes conditions et fluidifier le parcours de soin pour les personnes fragiles ou âgées. Par exemple, l’hôpital de proximité de Sainte-Menehould reçoit près de 7 000 patients par an, dont 52 % issus du grand âge (source : ARS Grand Est).

Modalités de collaboration concrètes avec les acteurs locaux

Le territoire Champagne-Ardenne se distingue par la multitude de liens construits entre les hôpitaux de proximité et :

  • Médecins généralistes et spécialistes libéraux
  • Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), HAD et SPASAD
  • Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD)
  • Pharmaciens, kinésithérapeutes, ergothérapeutes
  • Associations d’aide à domicile et coordinations gérontologiques
  • Collectivités territoriales, CCAS, conseils départementaux

Ces collaborations reposent sur plusieurs outils ou dispositifs, souvent méconnus mais pourtant déterminants dans la fluidité des parcours :

Les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP)

Elles constituent le socle de la concertation autour des situations complexes (ex : poly-pathologies gériatriques, difficultés sociales). Animées par l’hôpital ou la coordination gérontologique territoriale, elles réunissent médecins hospitaliers, libéraux, infirmiers, assistantes sociales, voire intervenants d’établissements. À titre d’exemple, le centre hospitalier de Vitry-le-François organise jusqu’à 20 RCP par mois, avec une participation de 60 % à chaque invitation (source : FHF Grand Est). Cette mise en commun sécurise les décisions, harmonise les suivis et minimise le risque de rupture du parcours soin/social.

Les protocoles de coopération et conventions

Pour optimiser la continuité des soins, nombre d’hôpitaux tissent des conventions formelles avec les EHPAD, SSIAD ou maisons de santé pluriprofessionnelles : partage d’informations médicales, procédures de transfert facilitées, gestion partagée des ressources (ex : kinés, psychologue, diététicienne). À Sézanne, une convention entre l’hôpital et les SSIAD a permis de diviser par deux le nombre de retours non organisés après séjour hospitalier depuis 2020.

La télé-expertise et la télémédecine : outils d’appui croissants

Pour pallier la fracture territoriale et les déserts médicaux, des dispositifs numériques voient le jour. Depuis 2022, plus du tiers des EHPAD marnais ont accès à la téléconsultation avec l’hôpital du secteur (source : ARS Grand Est, rapport 2023). Cela favorise un diagnostic rapide, diminue les hospitalisations évitables, et renforce la réactivité face aux situations d’urgence gériatrique.

Des exemples d’initiatives territoriales réussies

Le guichet unique d’orientation gériatrique (GUOG) de Troyes

Lancé en 2021, le GUOG regroupe sur une même plateforme téléphonique et informatique tous les acteurs locaux (hôpital, gérontopôle, EHPAD, MAIA, associations d’aide à domicile) pour orienter sans délai les demandes des professionnels et familles. En 18 mois, plus de 3 500 situations ont été traitées, avec une réduction attestée du délai de prise en charge médicale de 26 % (source : GHT de l’Aube et du Sézannais).

Le programme Paerpa en Haute-Marne

Le parcours « Personnes Âgées En Risque de Perte d’Autonomie » (Paerpa), expérimenté sur le territoire de Saint-Dizier, a permis l’émergence d’équipes mobiles pluridisciplinaires rattachées à l’hôpital, intervenant à domicile avec les professionnels libéraux. Entre 2018 et 2022, le taux de ré-hospitalisation à 30 jours y a reculé de 5 points parmi les +75 ans accompagnés (source : ARS Grand Est, Bilan Paerpa 2022).

Les équipes d’appui territoriales (ESAP) des Ardennes

Dans le nord du territoire, la création d’équipes d’appui santé précarité (ESAP), en lien direct avec les hôpitaux de proximité de Sedan ou Rethel, facilite l’accès rapide à des analyses sociales et sanitaires pour des personnes vulnérables, âgées ou isolées. En 2023, ce dispositif a orienté 280 patients vers des solutions d’accompagnement adaptées dans 74 % des cas, contre 51 % en 2021 (source : Conseil départemental des Ardennes).

Quels bénéfices réels pour la population et les professionnels ?

  • Fluidification du parcours de soins. La collaboration évite les ruptures, notamment lors des retours à domicile post-hospitalisation : diminution des risques de ré-hospitalisation ou de passage aux urgences.
  • Optimisation du temps médical. Grâce à la télé-expertise, les médecins hospitaliers peuvent orienter sans délai, tout en épaulant les Médecins généralistes éloignés des centres urbains.
  • Montée en compétence. Les réunions communes et formations croisées réunissent régulièrement jusqu’à 150 professionnels en Champagne-Ardenne chaque trimestre (source : Réseaux gérontologiques régionaux).
  • Mieux-vivre des patients et familles. La visibilité sur le parcours, la diversité d’acteurs mobilisés et la capacité des professionnels à travailler ensemble sécurisent le maintien à domicile et améliorent la qualité de vie.

Une enquête menée en 2023 auprès de familles ayant bénéficié du GUOG de Troyes montre que 77 % d’entre elles estiment que la collaboration interprofessionnelle a « facilité leurs démarches », et 69 % de ces familles déclarent avoir « évitée une admission aux urgences » grâce à une intervention rapide coordonnée (source : GHT Aube et Sézannais, enquête satisfaction familles).

Quels défis subsistent ? Freins et perspectives d’amélioration

Si les avancées sont notables, certaines limites persistent :

  • L’hétérogénéité des systèmes d’information et des pratiques qui freine la circulation de l’information.
  • Le manque structurel de temps médical et paramédical dédié à la coordination, en particulier en milieu rural.
  • Des difficultés à harmoniser les protocoles entre établissements et secteur libéral/médico-social.
  • La pénurie de professionnels, notamment médecins gériatres et infirmiers coordonnateurs.

Des axes d’amélioration existants sont néanmoins déjà explorés en Champagne-Ardenne, parmi lesquels :

  • L’expérimentation d’outils numériques partagés (ex : dossier patient informatisé « territorial » ou messageries sécurisées inter-acteurs), comme à Châlons-en-Champagne
  • La reconnaissance d’un temps de coordination financé dans les contrats de certains professionnels de santé
  • L’implication renforcée des usagers et familles dans l’organisation territoriale, via des comités de patients ou panels consultatifs

Vers une santé de proximité réellement intégrée ?

La dynamique de collaboration entre hôpitaux de proximité et acteurs locaux connaît aujourd’hui une maturité encore inédite, portée par des dispositifs pluridisciplinaires, de nouveaux modes d’organisation et l’appui du numérique. Si certaines barrières structurelles résistent, la multiplication des initiatives en Champagne-Ardenne traduit un engagement croissant des professionnels pour un accompagnement coordonné, lisible et bienveillant du vieillissement. Les retours du terrain plaident pour une généralisation des bonnes pratiques déjà éprouvées et la poursuite de l’innovation partagée au service du territoire.

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