Mesurer ce qui compte : comment évaluer l’efficacité d’un réseau gériatrique sur un territoire ?

05/06/2025

Pourquoi évaluer l’efficacité des réseaux gériatriques ?

Les réseaux gériatriques jouent un rôle pivot dans l’organisation des soins pour les personnes âgées, particulièrement en Champagne-Ardenne où les dynamiques rurales et urbaines imposent des besoins spécifiques. Face au vieillissement démographique accéléré — en 2023, un habitant sur quatre a plus de 60 ans dans la région selon l’INSEE — la pertinence et l’efficacité de ces réseaux sont plus cruciales que jamais. Pourtant, ce qui fait réellement la preuve d’un réseau efficace ne va pas toujours de soi : il faut des critères partagés, mesurables et adaptés aux réalités du terrain.

Les grands principes d’une évaluation adaptée au terrain gériatrique

Un réseau gériatrique met en lien des acteurs aux métiers, aux cultures professionnelles et aux outils différents. Son évaluation ne se limite pas à la performance purement médicale ou administrative. Elle doit prendre en compte l’humain, l’organisation, le temps, la coopération et les spécificités du vieillissement. Les indicateurs doivent ainsi répondre à plusieurs enjeux :

  • Valoriser la coordination entre les professionnels et avec les usagers.
  • Mesurer la qualité et la pertinence des parcours de soins.
  • Apprécier la satisfaction des usagers et des professionnels.
  • Analyser l’impact territorial : inégalités d’accès, innovation, inclusion des zones rurales.

Les indicateurs de coordination et de transversalité

L’efficacité d’un réseau gériatrique se juge d’abord par sa capacité à fédérer et à faciliter l’interaction entre hôpital, médecins de ville, services sociaux, Ehpad, associations et familles.

  • Taux d’inclusion dans le dispositif : part des personnes âgées suivies par le réseau par rapport à la population cible du territoire. - Dans les réseaux de santé de Champagne-Ardenne, ce taux varie de 12 à 35 % selon le degré d’implantation locale (source : ARS Grand Est, 2022).
  • Nombre de réunions de coordination pluridisciplinaire organisées par an.
  • Part d’acteurs impliqués dans des formations communes ou partages de pratiques (infirmiers, généralistes, coordinateurs, travailleurs sociaux, psychologues…). - À Reims, la "Médiation territoriale gériatrique" implique 80 professionnels formés chaque année (source : Observatoire régional Grand Âge, rapport 2023).
  • Délai moyen de transmission des informations (dossier patient partagé, évaluations sociales, transmissions entre cabinets, etc.).

Ces indicateurs sont des révélateurs précieux du fonctionnement quotidien, mais ils n’ont de sens que replacés dans le contexte de la densité médicale, de la dispersion géographique ou du niveau d’outillage numérique des structures.

Les indicateurs de qualité, sécurité et pertinence des soins

Au cœur du réseau, il s’agit d’évaluer si les personnes âgées reçoivent la bonne prise en charge, au bon moment, dans la bonne structure. La HAS (Haute Autorité de Santé) recommande une série d’indicateurs transposables à l’échelle locale :

  • Nombre d’hospitalisations évitables ou non programmées parmi les personnes suivies.
  • Taux de réadmission à l’hôpital dans les 30 jours après une sortie.
  • Fréquence des bilans gériatriques de prévention (chutes, dénutrition, polypathologies...). - En 2021, moins de 45 % des personnes âgées de plus de 75 ans en Champagne-Ardenne bénéficiaient d’un bilan gériatrique structuré (source : Santé Publique France).
  • Taux de conciliation médicamenteuse au retour à domicile.
  • Nombre de situations d’alerte sociale ou de rupture de parcours détectées par le réseau (p. ex. identification précoce des fragilités, signalement à la cellule de coordination).

Chacun de ces indicateurs permet de mettre en lumière tant la prévention que la gestion des évènements aigus ou imprévus, essentiels dans le travail avec le grand âge.

Les indicateurs d’expérience et de satisfaction

Au-delà des chiffres « d’activité », les retours directs des personnes concernées sont indispensables pour jauger la valeur réelle des réseaux. Les enquêtes de satisfaction permettent de recueillir la voix :

  • Des patients et familles : clarté de l’information reçue, temps d’attente, accessibilité des professionnels.
  • Des professionnels de santé et du secteur social : sentiment d’appartenance au réseau, satisfaction concernant les outils partagés, retour sur les formations proposées.

Le baromètre annuel « Parcours et expérience du grand âge » (La Fédération Nationale des Réseaux de Santé, 2023) indique que plus de 75 % des familles accompagnées en Champagne-Ardenne estiment que la fluidité des parcours s'est « nettement améliorée » depuis la mise en place d’une coordination structurée. À noter toutefois que les attentes restent élevées sur la simplicité d’accès aux services (guichet unique, dispositifs mobiles d’accompagnement).

Les indicateurs d’efficience et d’impact territorial

Enfin, la santé des réseaux, c’est aussi leur impact sur l’ensemble du territoire. Se posent alors les questions de couverture, d’équité et d’innovation. Quelques indicateurs phares :

  • Taux de couverture géographique : ratio de communes ou d’établissements partenaires du réseau par rapport à la totalité du territoire cible.
  • Part des actions menées dans les zones rurales ou sous-dotées : - Dans l’Aube, les actions d’accès aux soins gériatriques pour les communes de moins de 1500 habitants ont progressé de 20 % en deux ans (Source : Conseil départemental de l'Aube, 2023).
  • Capacité d'innovation organisationnelle : création de dispositifs nouveaux, expérimentation de téléconsultations, décloisonnement entre médecine de ville, hôpital et domicile.
  • Capacité à mobiliser des financements ou des partenariats (Appui à la structuration de plateformes territoriales d’appui, coordination autour du dispositif PAERPA (Personnes âgées en risque de perte d’autonomie), etc.).

De tels indicateurs permettent au réseau de mesurer sa vitalité et sa capacité à s’adapter aux besoins changeants du territoire. Ils posent aussi la question de la gouvernance et de la lisibilité de l’action collective.

Comment recueillir, suivre et utiliser ces indicateurs ?

L’évaluation ne se limite pas à une récolte de chiffres : elle doit s’intégrer dans une démarche continue d’amélioration de la qualité. Plusieurs bonnes pratiques peuvent être identifiées :

  • Des outils partagés et digitalisés, comme le Dossier Médical Partagé (DMP) ou des logiciels sécurisés d’échange de données. À Châlons-en-Champagne, près de 60 % des professionnels du réseau utilisent un système de suivi commun (source : URPS Infirmiers Grand Est, 2022).
  • Des comités de suivi pluriprofessionnels (réunissant coordination médicale, paramédicale, sociale, pharmaciens), se réunissant au moins une fois par trimestre pour réajuster les indicateurs et élaborer des plans d’action.
  • Un retour régulier auprès des usagers, via questionnaires, ateliers participatifs, groupes de parole.
  • Une communication transparente auprès de tous les partenaires du réseau mais aussi du grand public.

Perspectives d’amélioration et enjeux futurs

Le champ de la gériatrie n’échappe pas à la transformation numérique : la diffusion de la télémédecine, les applications de coordination et la collecte automatisée de certains indicateurs ouvrent de nouveaux horizons. Toutefois, il faut garder à l’esprit l’importance de la contextualisation locale — une stratégie qui marche à Troyes ne sera pas forcément aussi pertinente à Charleville-Mézières.

Les réseaux gériatriques efficaces sont ceux qui mesurent non seulement leur capacité à répondre aux besoins identifiés, mais aussi à anticiper les évolutions : vieillissement accéléré, multiplication des fragilités, attentes des familles, exigences accrues des institutions. En Champagne-Ardenne, comme ailleurs, les indicateurs d’efficacité doivent soutenir une culture du partage, du dialogue et de l’innovation, au plus près du terrain.

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