Mieux coordonner pour mieux soigner : optimiser la circulation de l’information entre acteurs du parcours de soins

08/07/2025

Un enjeu de taille pour la continuité et la qualité des soins

L’Organisation mondiale de la santé souligne que près d’1 patient sur 10 subit un événement indésirable lié à la mauvaise transmission d’informations entre professionnels (source : OMS, 2019). En gériatrie, les transitions fragiles – retours d’hospitalisation, changements entre domicile, Ehpad, HAD, etc. – sont particulièrement à risque. Sur le territoire Champagne-Ardenne, entre 2017 et 2022, le nombre de passages par patient entre plusieurs structures a augmenté de 30 % dans le parcours gérontologique (Observatoire régional santé Grand Est, 2022). Pourtant, seulement 53 % des soignants jugent la communication inter-structures « satisfaisante » ou « excellente » (baromètre CNSA 2023).

Identifier les blocages : où se perd l’information ?

Pour cibler les actions d’amélioration, il est essentiel de comprendre les freins à une bonne transmission :

  • Diversité des supports : Fax, mails, appels téléphoniques, applications diverses... Cette diversité entraîne des pertes d’informations et des doublons.
  • Pratiques hétérogènes : Chaque établissement ou service a ses propres routines et outils, sans standard commun.
  • Variabilité des interlocuteurs : L’alternance des professionnels (infirmiers libéraux, remplaçants, intérimaires...) complexifie la continuité.
  • Manque de temps et surcharge administrative : La transmission est souvent perçue comme une tâche supplémentaire, là où elle devrait être intégrée au sein du soin lui-même.

Solutions digitales : vers une harmonisation régionale

Depuis 2018, la région Champagne-Ardenne profite du déploiement du Dossier Médical Partagé (DMP) et du bouquet de services numériques de l’Agence Régionale de Santé (ARS). Selon le Conseil du numérique en santé (2023), 61 % des établissements de la région utilisent un outil de coordination numérique, contre 48 % au niveau national.

  • DMP et messageries sécurisées : La généralisation du DMP, accessible au patient comme aux professionnels, permet de centraliser prescriptions, comptes-rendus et antécédents. Les messageries sécurisées MSSanté (éditées par l’ANS) réduisent la dispersion de l’information, notamment lors des transmissions entre hôpital et ville. Aujourd’hui, plus de 2 000 professionnels y sont connectés en Champagne-Ardenne.
  • Plateformes territoriales d’appui (PTA) : En 2022, près de 1 300 dossiers complexes ont été pris en charge par les PTA locales, qui assurent une fonction de « courroie de transmission » entre intervenants et facilitent la synthèse d’informations médicales et sociales (source : ARS Grand-Est).
  • Expérimentation PAACO-Globule : Lancée dans la Haute-Marne en 2021, cette application permet aux soignants de coordonner leur action en temps réel autour d’un patient, avec un taux de satisfaction de 88 % selon la première enquête utilisateurs régionale.

Atouts et limites des outils numériques

Les outils digitaux apportent un cadre, sécurisent les transmissions et facilitent la traçabilité. Mais ils doivent s’accompagner d’un apprentissage concret : en 2023, une enquête menée à Reims auprès de 400 professionnels signalait que 37 % d’entre eux se sentaient « insuffisamment formés » aux outils numériques de coordination. D’où l’importance des temps d’échange et de formation continue portés par les réseaux (source : URPS Infirmiers Grand Est).

S’appuyer sur les temps de rencontre multi-acteurs : des alliances humaines

Si le numérique est un levier, il ne remplace ni la confiance, ni l’intelligence collective. Plusieurs initiatives régionales montrent combien les rencontres entre professionnels dynamisent la qualité des transmissions :

  • Réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) : Dans les réseaux gériatriques locaux, elles sont organisées tous les deux mois en moyenne. Elles permettent aux soignants, prescripteurs, acteurs sociaux et paramédicaux de mettre à jour de manière concrète et partagée les données-clés de chaque situation complexe.
  • Visites à domicile coordonnées : Le Département des Ardennes pilote un dispositif avec la présence conjointe de l’infirmier, du médecin traitant et de l’assistant social lors du retour à domicile après hospitalisation, garantissant une vision à 360° et des transmissions consensuelles.
  • Carnets de liaison : Même à l’heure du digital, le « carnet papier » reste un support essentiel pour nombre de patients âgés en perte d’autonomie. La Fondation Médéric Alzheimer rappelle que 72 % des patients très âgés consultés en 2022 préfèrent que l’information soit également consignée sous format physique, surtout lorsqu’ils vivent à domicile avec plusieurs intervenants.

Adopter des standards, clarifier les responsabilités

L’amélioration passe par des procédures partagées et des responsabilités clairement identifiées :

  1. Check-list de transmission : Le CHU de Reims a développé une check-list de transmission à chaque sortie de patient âgé (type, durée, suivi envisagé, référents à contacter), réduisant de 19 % le nombre d oublis d’informations critiques (étude interne, 2022).
  2. Nommer un référent transmission : Dans certains établissements, un professionnel (souvent l’infirmier coordinateur ou le cadre de santé) devient l’interlocuteur privilégié pour recueillir et transmettre toutes les infos utiles à l’équipe suivante.
  3. Formaliser les documents d’entrée et de sortie : L’utilisation systématique de fiches de liaison, partagées selon un format régional (modèle ARS Grand Est), améliore la lisibilité et réduit les interprétations. Ces documents intègrent souvent, depuis 2023, des volets sur les préférences de vie du patient et leurs aidants.

Favoriser la culture du feedback : apprendre ensemble des erreurs

L’amélioration de la transmission n’est jamais figée. Elle implique la mise en place d’espaces pour analyser les difficultés rencontrées :

  • Revue de cas et retours d'expérience : Les réseaux locaux organisent régulièrement des audits de parcours (notamment après un événement indésirable ou une hospitalisation non programmée), permettant d’alerter sur les dysfonctionnements de transmission et de mutualiser des solutions concrètes.
  • Groupes de pratique interprofessionnelle : À Troyes, un projet pilote sur le retour d’expérience des transmissions en EHPAD a permis de diminuer de 14 % les ré-hospitalisations évitables en améliorant l’anticipation des situations critiques (source : GCS Gériatrique Aube).

Outils et pistes pour aller plus loin en Champagne-Ardenne

  • Le guide régional « Transmettre & Co » : Proposé par le Réseau Santé Grand-Est, il détaille par type de structure, les outils de transmissions prioritaires, les interlocuteurs de proximité et propose des fiches pratiques téléchargeables (édition 2023).
  • Hotline de conseil PTA : Accessible aux professionnels, elle permet une aide directe et rapide pour les situations de rupture. La Champagne-Ardenne a enregistré 2 300 appels en 2022 sur ce dispositif pilote.
  • Simulateurs d’incidents de transmission : Lors de formations en simulation (notamment au CH de Chalons), les équipes sont confrontées à des scénarios « fil rouge » où la qualité des transmissions influe sur le parcours patient virtuel, créant une prise de conscience collective immédiate.

Perspectives régionales et leviers collectifs

L’amélioration de la transmission d’information dans les parcours de soins ne doit pas être perçue comme une contrainte supplémentaire. C’est un gage de sécurité, de confort pour les professionnels et, in fine, de qualité de vie pour les personnes âgées et leurs proches. Les dynamiques collectives engagées en Champagne-Ardenne, nourries à la fois de solutions numériques et d’initiatives humaines, montrent que la coordination est une responsabilité partagée, appuyée sur des outils concrets et des temps d’échange.

L’enjeu est d’avancer vers une culture commune où chaque professionnel, chaque structure s’implique, prend appui sur les ressources régionales (PTA, guides, formations, plates-formes numériques), ose poser des questions, faire remonter les difficultés et proposer des améliorations. Plus la transmission est fluide et sécurisée, plus le territoire devient accueillant pour le bien-vieillir, et plus les professionnels retrouvent sens et efficacité dans leur mission auprès des aînés.

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