Optimiser les parcours de sortie d’hospitalisation pour les personnes âgées : repères, solutions, initiatives

02/07/2025

Pourquoi la sortie d’hospitalisation des aînés est-elle un tournant si délicat ?

Chaque année en France, selon l’Assurance maladie, près de 2 millions de personnes âgées sont hospitalisées dont plus de 25 % sont concernées par des hospitalisations courtes faisant penser à des admissions en urgence souvent non anticipées (source : Ameli). Le retour à domicile ou vers une structure adaptée est une étape où tout peut se jouer : rechute, décompensation, réhospitalisation évitable, perte d’autonomie, voire rupture sociale. Il ne s’agit pas seulement de coordonner une sortie, mais bien d’articuler tout un parcours, dans un contexte où 57 % des plus de 80 ans hospitalisés bénéficient de cinq soins ou plus chaque jour (source : DREES).

A ces chiffres s’ajoute la réalité de terrain : état de santé fluctuant, réseau familial parfois distant, multiplicité des intervenants, raréfaction des professionnels disponibles, difficultés à mobiliser rapidement des aides à domicile. Fluidifier la sortie, c’est donc anticiper ces fragilités et construire un parcours cohérent, sans rupture.

Les clés organisationnelles : anticiper, planifier, communiquer

Anticipation : organiser la sortie dès l’entrée

La première bonne pratique validée par les retours terrain est d’initier la préparation de la sortie… dès l’admission. Cela suppose une évaluation gériatrique préccoce, centrée sur :

  • Le niveau d’autonomie réelle (échelles IADL, GIR, grille AGGIR).
  • L’environnement du patient : logement, accès, présence d’aidants.
  • Les besoins en soins et aides à domicile.

Des outils comme l’évaluation multidimensionnelle, formalisée par des équipes mobiles ou des infirmières coordinatrices (présentes dans la plupart des établissements MCO et SSR depuis la circulaire du 4 mars 2004 sur l’organisation de la filière gériatrique), jouent ici un rôle essentiel.

Coordination : faire dialoguer l’hôpital, la ville, les structures

Le maillon faible reste souvent la communication entre l’hôpital, les médecins traitants et les intervenants de ville. Selon la HAS, 41 % des réhospitalisations précoces pourraient être évitées par une meilleure coordination (HAS, « Sortie d’hospitalisation des patients complexes », 2018). Les solutions qui fonctionnent :

  • Une fiche de liaison claire et complète, remise le jour-même de la sortie, mentionnant traitements, consignes, intervenants à contacter.
  • L’appel systématique aux partenaires de ville (infirmiers libéraux, SSIAD, Services d’Aide à Domicile) pour préparer concrètement le retour.
  • L’engagement des plateformes territoriales d’appui (PTA) en amont de la sortie, pour l’organisation des soins et la logistique.
  • Dans certains cas, les IDE de coordination hospitalières contactent personnellement l’aidant principal ou le domicile en J-2 ou J-1.

Les outils et dispositifs mobilisables : panorama et bonnes pratiques locales

Les équipes mobiles gériatriques et dispositifs de coordination

Les EMG, actives au CHU de Reims, à Troyes ou Charleville, facilitent l’interface entre hospitalier et médico-social. Elles interviennent sur demande auprès des patients fragiles, réalisent l’évaluation multidimensionnelle, initient les contacts nécessaires, forment les équipes et anticipent la sortie. La question du maintien d’une équipe mobile en relais à domicile se pose encore mais commence à émerger, comme à Reims avec le dispositif « EMG de ville » depuis 2021.

Les retours d’expérience du Réseau Santé Champagne-Ardenne

  • L’expérimentation PAERPA dans l’Aube (2015-2018) : ce parcours a permis d’associer dès l’entrée les IDE de coordination ville-hôpital, avec un taux de réhospitalisation à 30 jours réduit de 5 points par rapport au reste de la région (source : ARS Grand Est).
  • Le dossier médical partagé et le plan personnalisé de sortie : leur utilisation reste trop variable. Sur le département de la Marne, en 2022, seulement 43 % des patients de plus de 80 ans bénéficiaient d’un PPS formalisé (direction qualité CHU de Reims).

Le rôle clé des plateformes territoriales d’appui (PTA)

Les PTA émergent comme acteurs pivots pour organiser les sorties complexes. Elles coordonnent les professionnels, recherchent les dispositifs d’hébergement temporaire, facilitent la mobilisation de l’aide à domicile. Selon la FHF, 1 sortie sur 7 en Grand Est a mobilisé une PTA en 2022 pour sécuriser la continuité des soins.

Associer activement le patient et ses aidants : une condition de réussite

L’engagement du patient et de son entourage est fondamental. En Champagne-Ardenne, plusieurs initiatives ont démontré que la réappropriation du projet de soins par les familles limite la perte de repères et la réhospitalisation évitable. Quelques éléments validés :

  • Informer en amont le patient et sa famille sur les conditions de la sortie, en utilisant un vocabulaire clair, sans jargon technique.
  • Associer systématiquement l’aidant principal aux réunions de préparation à la sortie (souvent oubliées dans 30 % des cas selon Santé Publique France).
  • Donner systématiquement un document écrit reprenant les consignes de reprise de l’alimentation, de la médication et des red flags.
  • Impliquer l’aidant ou la personne de confiance dans le suivi post-sortie : vérification de la prise de traitement, organisation logistique pour les RDV paramédicaux, surveillance des complications.

Un outil à mentionner : le « passeport de sortie » ou « carnet de liaison », déployé dans plusieurs SSR ardennais, qui permet au patient — et surtout à son entourage — d’avoir un suivi, une traçabilité du parcours, et de savoir qui appeler en cas de problème les premiers jours.

Mieux adapter l’offre de services à domicile et en aval direct de l’hospitalisation

Déployer les aides à domicile sans attendre : comment faire ?

Le délai entre la prescription d’une aide (soins infirmiers, portage de repas, auxiliaire de vie…) et sa mise en œuvre reste un frein énorme à la fluidité des sorties. En Haute-Marne, une enquête de 2023 montre un délai moyen de 6,2 jours entre sortie d’hospitalisation et première intervention d’aide humaine à domicile. Or, la littérature internationale recommande une mise en place sous 48 à 72 heures (OMS, Global report on ageism, 2021).

Quelques solutions efficaces repérées :

  • Solliciter les SSIAD et SPASAD dès l’admission du patient, et pas seulement la veille de la sortie.
  • Utiliser les plateformes numériques de demande d'intervention (exemple : ViaTrajectoire, HOPENIR en Champagne-Ardenne), qui permettent une gestion centralisée des demandes et une mise en relation plus rapide.
  • Envisager un court relais en accueil de jour ou en SSR si la sécurité au domicile ne peut être assurée immédiatement.
  • Cartographier et mobiliser les petites associations d’aide (par exemple, l’association Voisin’âge en Ardennes, ou ESAD Aube), souvent plus réactives pour des interventions ponctuelles.

Transitional Care : l’intérêt d’une médiation thérapeutique et sociale post-sortie

Des dispositifs de « transitional care » avec infirmier de coordination ou case manager commencent à être expérimentés : visites à domicile sous 3 jours, appel téléphonique J+5, relecture partagée du plan de soins. Les retours (CHU de Reims, 2022) montrent une réduction de 8 % des passages par les urgences dans le mois suivant la sortie pour les bénéficiaires de ces dispositifs.

Certaines structures mettent aussi en place des groupes d’accompagnement de l’aidant, avec restitutions collectives, identification des points de vigilance (Association Familles Rurales Marne, 2023).

Une ouverture vers une culture commune du parcours : formation, partage et évaluation continue

La fluidité des sorties ne repose pas uniquement sur la bonne volonté des acteurs. Elle se construit sur un socle partagé : formation interprofessionnelle, échanges de pratiques, évaluations régulières.

  • De nombreux établissements développent des ateliers d’échange de pratiques « ville-hôpital » pour lever les incompréhensions et fluidifier les circuits d’information pratique.
  • L’intégration des aidants dans les journées formation REPAD (réseaux d’appui à la personne âgée dépendante) permet de croiser les perspectives.
  • L’évaluation postérieure des parcours de sortie — réhospitalisations évitables, satisfaction des patients, taux de rupture — devient une mesure de pilotage dans plusieurs GHT (Groupements Hospitaliers de Territoire) du Grand Est.

L’implication des professionnels, la créativité associative et le retour d’expérience des usagers laissent envisager de nouveaux modèles de coordination pour rendre les parcours de sortie non plus exceptionnels, mais progressivement structurés et sécurisants pour le plus grand nombre.

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