Ville et hôpital : nouvelles alliances au service du parcours de santé en Champagne-Ardenne

11/07/2025

Comprendre les enjeux de la coopération ville-hôpital sur notre territoire

Favoriser la fluidité du parcours de santé, c’est améliorer la qualité de vie de la personne âgée comme des professionnels qui l’accompagnent. En Champagne-Ardenne, la coopération entre la médecine de ville et l’hôpital ne date pas d’hier, mais elle se renouvelle et se structure face à des enjeux démographiques et organisationnels très concrets.

  • En 2022, la Champagne-Ardenne comptait plus de 150 000 personnes âgées de 75 ans ou plus (INSEE).
  • Près de 65 % des admissions hospitalières concernaient des motifs relevant directement ou indirectement du vieillissement (source : ARS Grand Est).
  • Le territoire fait face à une densité médicale hétérogène, avec des déserts médicaux en zones rurales et périurbaines.

Dans ce contexte, la coopération entre les professionnels hospitaliers, les médecins de ville, les infirmières, les pharmaciens, mais aussi les acteurs sociaux et associatifs, devient une nécessité, pas seulement une option. Pourquoi ? Parce qu’aucun maillon n’a, à lui seul, toutes les réponses face à la complexité des situations rencontrées chez les personnes âgées fragiles.

Les modèles structurants : filières gériatriques et dispositifs partagés

La filière gériatrique territoriale : socle de la coopération

Depuis le décret du 17 décembre 2010, chaque territoire doit disposer d’une filière gériatrique. En Champagne-Ardenne, cette organisation s’est traduite par la création de dispositifs coordonnés, pilotés le plus souvent par les CHU ou les hôpitaux de proximité.

  • Cellules d’appui gériatrique (CAG) : Spécifiques à certains départements (notamment la Marne), elles facilitent le lien entre professionnels de ville et spécialistes hospitaliers. Elles proposent des avis gériatriques et orientent les situations complexes. En 2023, la CAG du CHU de Reims a traité plus de 900 sollicitations (source : CHU de Reims).
  • Unités mobiles de gériatrie (UMG) : Présentes dans tous les centres hospitaliers de la région (ex : UMG de Châlons-en-Champagne, Troyes, Charleville-Mézières), elles interviennent à la demande des médecins traitants ou dans les EHPAD. Leur principal atout : réagir rapidement, évaluer, et orienter, avec un dialogue constant avec la ville (cf. rapport activité UMG CHU Reims 2022).

Parcours de soins coordonnés : des dispositifs concrets

  • L’hospitalisation à domicile (HAD) : De plus en plus fréquente pour éviter les ruptures de parcours, notamment en sortie d’hospitalisation. En 2021, la Champagne-Ardenne affichait un taux d’HAD supérieur à la moyenne nationale pour les plus de 80 ans (source : Observatoire régional de l’HAD).
  • Programmes de retour à domicile après hospitalisation (PRADO) : pilotés par l’Assurance Maladie, ils associent hôpitaux, médecine de ville et structures d’aide à domicile. Plus de 2 300 retours à domicile de personnes âgées ont été coordonnés en 2022 dans la région via ces programmes.

De nombreux professionnels soulignent que ces modèles ne prennent sens que s’ils s’inscrivent dans la réalité du terrain. Un exemple ? La structuration du réseau RESIGER (Marne) facilite l’échange d’informations, les formations croisées et les retours d’expériences entre médecins, infirmiers et assistants sociaux de l’hôpital et de la ville.

Des initiatives locales pragmatiques et réplicables

La consultation mémoire avancée décloisonnée

Depuis 2019, les consultations mémoire du Centre Hospitalier de Troyes associent systématiquement neurologues, psychologues et gériatres du centre avec les médecins traitants de ville. Résultat : diagnostic plus rapide, implications précoces des familles et orientation sociale anticipée. Cette organisation, saluée par France Alzheimer Aube, est aujourd’hui en cours d’extension à l’ensemble du territoire aubois.

PACTES et PAERPA, laboratoires de l’innovation coordonnée

  • Le parcours PAERPA (Personnes Âgées En Risque de Perte d’Autonomie) : testé dans l’Aube et étendu à la Haute-Marne jusqu’en 2022, il a permis la mise en place d’équipes d’appui transversales (infirmiers coordinateurs, assistantes sociales, animateurs réseau) entre ville et hôpital. Ce modèle, bien qu’expérimental, a montré une baisse de 12 % des réhospitalisations évitables six mois après une première hospitalisation (source : ARS Grand Est, bilan PAERPA 2022).
  • Le dispositif PACTES (PArcours Coordonné Territorialisé en Santé) : à Rethel, Châlons ou Saint-Dizier, ce système met en place des réunions mensuelles ville-hôpital, où chaque situation complexe est discutée : professionnels libéraux, hospitaliers et assistants sociaux ajustent ensemble le parcours du patient.

L’appui des plateformes territoriales d’appui (PTA)

L’ancrage territorial des PTA donne un cadre nouveau à la coopération. En Champagne-Ardenne, la PTA Gériatech (Marne) a accompagné plus de 880 situations complexes en 2022, grâce à une interface numérique partagée et une disponibilité téléphonique sans interruption en semaine. Leur force : un déclenchement rapide de conseils, une orientation vers les ressources de proximité (SSIAD, ESA, ergothérapeutes), et surtout, une prise en compte du vécu des aidants familiaux.

Les outils numériques : vers une coordination plus réactive

Les échanges d’informations médicales entre la ville et l’hôpital ont longtemps été un point faible dans l’organisation des soins. Plusieurs outils numériques émergent en Champagne-Ardenne :

  • MonSisra Grand Est : raccourcit les délais d’envoi de documents et d’informations, notamment lors de la sortie d’hospitalisation, pour plus de 35 000 patients en Champagne-Ardenne en 2022 (source : GCS e-santé Grand Est).
  • Dossier Médical Partagé (DMP) : même s’il peine encore à convaincre tous les professionnels, il se diffuse de plus en plus, avec près de 320 000 DMP ouverts dans la région (Caisse Primaire d’Assurance Maladie, rapport 2023).
  • Solutions de télémédecine : expérimentation du télé-suivi post-hospitalisation à Charleville-Mézières pour les pathologies cardiaques, permettant d’éviter plus d’une cinquantaine de réhospitalisations sur la période 2020-2022 (source : CH de Charleville-Mézières).

Les résistances et leviers à la coopération ville-hôpital

Si la dynamique existe, elle se heurte à des obstacles concrets :

  • Temps médical contraint et surcharge administrative qui limitent la disponibilité pour la coordination.
  • Hétérogénéité des outils numériques entre établissements de santé et cabinets de ville.
  • Résistances culturelles persistantes : défiance mutuelle, méconnaissance des contraintes de l’autre secteur.

Pour y répondre, des retours d’expériences inspirants montrent l’importance :

  1. D’assurer des temps de rencontre et de formation croisés (ex : réunions mensuelles coordinées par les UMG de Reims et St-Dizier).
  2. D’outiller les professionnels avec des solutions simples, co-construites (fiches synthétiques de liaison, messagerie sécurisée, carnet de liaison patient partagé).
  3. De valoriser les missions de coordination via des financements dédiés et l’appui de structures comme les CPTS (Communautés Professionnelles Territoriales de Santé), aujourd’hui présentes sur 80 % du territoire régional (Source : URPS ML Grand Est, point 2023).

Regard sur la Champagne-Ardenne dans le contexte national

La région ne fait pas bande à part, mais s’insère dans une dynamique globale. Selon le rapport de la FHF et de la CNAM (2023), la Champagne-Ardenne a développé plus d’une cinquantaine de conventions ville-hôpital concernant la gériatrie et la coordination des soins palliatifs, un chiffre parmi les plus élevés du Grand Est en rapport populationnel.

Quelques facteurs distinctifs locaux :

  • Une implication forte des CHU (Reims) dans l’animation de réseaux, souvent en lien avec les universités pour la formation continue des médecins et infirmiers de ville.
  • Une attention particulière, constatée depuis la crise COVID, pour l’accompagnement des sorties d’hospitalisation avec l’appui des associations locales d’aide à domicile.
  • Un maillage solide, mais en constant réajustement, entre établissements publics, privés et réseaux libéraux.

Perspectives et points d’attention pour renforcer la coopération

Les modèles de coopération ville-hôpital en Champagne-Ardenne démontrent que la proximité entre acteurs est une force lorsqu’elle s’ancre dans des dispositifs souples, évolutifs et surtout reconnus par chacun. Plusieurs points d’attention paraissent essentiels pour l’avenir :

  • Stabiliser les dispositifs expérimentaux qui ont fait leurs preuves (PAERPA, PTA…), pour garantir leur pérennité financière et organisationnelle.
  • Favoriser l’implication des professionnels de ville dès la conception des parcours, pas uniquement dans leur mise en œuvre.
  • Développer les outils collectifs de formation et d’évaluation des coopérations, pour capitaliser sur les expériences.
  • Mieux intégrer les proches aidants et le secteur social dans la boucle coordination, pour un parcours global de la personne âgée.

Face à des défis de plus en plus complexes, Champagne-Ardenne montre combien l’inventivité locale et les alliances nouvelles entre ville et hôpital peuvent devenir des leviers puissants au service du bien vieillir. Chaque territoire, chaque équipe, en apportant sa pierre, contribue à tisser une réponse collective adaptée à notre réalité.

Sources : INSEE, ARS Grand Est, CHU de Reims, FRANCE ALZHEIMER Aube, GCS e-santé Grand Est, CNAM, URPS ML Grand Est, FHF.

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